Dîner du 12 juillet 1910
Visite du Roi Albert et la reine Elisabeth de Belgique
Palais de l'Élysée
Illustration A.F. Gorguet
Gravure: Stern Paris
19,5 cm x 25,5 cm
Il faisait beau temps quand le roi Albert et la reine Elisabeth de Belgique sont arrivés à Paris, hier après-midi, et ce beau temps — si rare ! — a donné à la réception militaire tout son éclat, aux uniformes toutes leurs couleurs. Mais à peine les souverains étaient-ils arrivés au palais d'Orsay que la pluie commençait à tomber. Sur tout Je parcours il y avait un nombreux public derrière le cordon de troupes qui formaient la haie d'honneur entre la gare de l'avenue du Bois de Boulogne et le Palais du quai d'Orsay, qui pendant quatre jours sera la résidence royale.
Hier, l'immuable décoration officielle avait transformé complètement la gare dont l'entrée était devenue un salon de réception. A quatre heures moins le quart arrive M. Briand. en automobile, et quelques minutes après lui, une daumont officielle et des landaus à vide. Une erreur se produit alors et quelques officiers commandent : "Portez armes!" Cette erreur distrait un peu les hommes; cavaliers et fantassins. A quatre heures moins dix exactement arrive en daumont précédé du piqueur Troude; le président de République, accompagné de Mme Fallières et de M. Ramondou, secrétaire général de la présidence.
Sur le quai, autour de M. et Mme Fallières, se tiennent le président du Conseil et tous les membres du gouvernement, les membres de la légation de Belgique, les présidents du Sénat et de la Chambre, MM. Bellan, président du Conseil municipal, et Galli, président du Conseil général ; le préfet de la Seine et le préfet de police, etc. En même temps qu'un coup de sifflet retentit dans le fond du tunnel précédant la gare, on entend un bref commandement : "Portez armes !" pendant que la musique de la garde attaque les premières mesures de la Brabançonne. Le train a stoppé. Le roi apparaît, suivi de la reine à laquelle il tend le bras pour descendre. Le Président s'avance et, après avoir salué la reine, il serre cordialement la main du roi.
Le roi Albert Ier est grand, blond, aux yeux bleus à fleur de tête. Il a revêtu l'uniforme de général de la garde et il a la poitrine barrée du grand cordon de la Légion d'honneur. La reine, de taille un peu au-dessus de la moyenne, est blonde aussi. Elle porte un manteau gris-perle sur une toilette blanche ; son chapeau est orné de plumes d'autruche d'un gris mauve et lui sied à ravir. Elle sourit et semble intimidée. Elle est charmante.
Le roi Albert et M. Fallières prennent place dans la première daumont. Dans la seconde prennent place la reine Elisabeth, Mme Fallières et le général Davignon, spécialement attaché au couple royal pendant son séjour à Paris. Le régiment du deuxième cuirassiers compose l'escorte d'honneur. Au grand galop des chevaux on se dirige, par l'avenue du Bois-de-Boulogne, les Champs-Elysées et la place de la Concorde, vers le Palais du ministère des Affaires étrangères. La foule salue et acclame. Sur tout le parcours les troupes portent les armes et les musiques militaires exécutent la Brabançonne, puis la Marseillaise. Des cris de : Vive le roi ! Vive la reine ! partent de la foule.
A quatre heures quarante le cortège arrive au quai d'Orsay, sans que se soit produit le moindre incident. En, descendant de voiture, le roi Albert Ier a tenu à féliciter particulièrement le colonel qui commandait la garde d'honneur dans la cour du ministère des Affaires étrangères. De même le roi a désiré faire connaître par l'intermédiaire du général Dalstein combien il avait admiré l'irréprochable tenue des troupes échelonnées le long du parcours. Ces troupes étaient composées des 25e, 26e, 119e et 126e régiments d'infanterie ; du 3e zouaves, du 23e bataillon de chasseurs à pied, du 25e régiment d'infanterie coloniale, du 1er et du 5e génie, du 27e dragons, de la garde républicaine à pied et à cheval, de l'artillerie à cheval et du train des équipages.
La reine Elisabeth ayant été quelque peu fatiguée par le voyage, le Président de la République à dispensé le roi Albert et la reine de la visite traditionnelle, qui a lieu peu de temps après l'arrivée des souverains dans leur palais. Après le départ de M. Fallières, le roi et la reine se sont retirés quelques instants dans leurs appartements particuliers. A six heures du soir, le roi a reçu le corps diplomatique. La réception s'est prolongée jusqu'à 6 h. 45.
Le Petit Journal – 13 juillet 1910 (source:http://cpascans.canalblog.com/archives/2010/07/13/18548603.html)