LE BANQUET DU GRAND HOTEL
Le soir, un banquet auquel assistaient plus de cinq cents convives a eu lieu au Grand-
Hôtel, sous la présidence de M. Louis Barthou.
M. Louis Barthou avait à sa droite M. Georges Lecomte, président de la Société des gens de lettres, et à sa gauche Mme Paniel Lesueur, vice-présidente de la Société.
A la table d'honneur avaient pris place M.Antonin Dubost, président du Sénat, M. Deschanel, président de la Chambre des députés, les ministres de l'intérieur, de la marine, du commerce et de l'agriculture, MM. le comte d'Haussonville, Paul Hervieu, Jean Richepin, Maurice Barrès, René Doumic, Marcel Prévost, de l'Académie française Charles Dupuy, Eugène Lintilhac; Victor Margueritte, etc.
Au dessert, M. Georges Lecomte, en termes émus, a remercié tous ceux qui l'ont aidé à réaliser le programme de cette belle fête des lettres et s'est réjoui que les pouvoirs publics aient si hautement manifesté l'intérêt qu'ils portent à la littérature française.
Puis M. Barthou s'est levé, salué par une longue acclamation, et a prononcé une allocution tour à tour vibrante et charmante où, avec son remarquable talent d'improvisateur, il a su passer avec une rare souplesse du ton de la cause- rie à celui du-discours. Il s'est excusé d'abord de n'avoir pas apporté une harangue soigneusement préparée mais c'est le temps qui lui a manqué. Peut-être, d'ailleurs, son auditoire préférera-t-il une libre causerie. Ministre de l'instruction publique, il a promis de rétablir les distributions de prix. Quelle plus belle occasion, quand il a devant lui tant de bons travailleurs qui ont bien mérité des lettres et de la France ? C'est d'abord Georges Lecomte, à qui revient l'honneur d'avoir eu l'initiative de cette
brillante manifestation et qui y a dépensé tant de zèle, de ferveur, et un merveilleux sens de l'organisation. Puis ses prédécesseurs à la présidence de la Société des gens de lettres, parmi lesquels M. Barthou cite tout particulièrement M. Paul Hervieu, en annonçant que la plaque de grand-officier de la Légion d'honneur venait de lui être
attribuée. M. Barthou, faisant allusion à la fête de la Sorbonne, dit:
Je suis assuré de ne pas violer la Constitution ét de rester dans la vérité en louant M. Raymond Poincaré, l'homme de lettres qui-survit. en lui à toutes les fonctions qu'il exerce. Si vous n'avez pas été insensibles à l'apparat protocolaire avec lequel
M. le président de la république, pour vous faire plus d'honneur, a voulu se rendre au milieu de vous, je suis bien certain que vous avez surtout été heureux d'entendre faire éloge des lettres françaises par un homme de lettres Et il' a rappelé avec quelle émotion, on a entendu les vers magnifiques de M. Jean Richepin. En un beau mouvement d'éloquence, il a défini le rôle de la littérature et montré comment nos écrivains sont les ambassadeurs de la pensée française à l'étranger. Et il a associé toute l'assemblée à l'oeuvre de défense nationale qu'il poursuit avec l'énergie que l'on sait au Parlement. Il a terminé en portant un premier toast aux femmes de lettres qui font partie de la Société des gens de lettres, et un autre toast à la prospérité d'une
Société qui a tant fait pour l'éclat et le prestige de notre génie.
Une triple salve d'applaudissements a accueilli cette chaude péroraison.
La soirée s'est achevée par une représentation théâtrale, où se sont fait entendre Mmes Cécile Sorel, Marie Leconte, Chenal, MM. Mounet-Sully, Georges Berr et Delmas.
Les promotionset nominations faites dans la Légion d'honneur, à l'occasion du soixante quinzième anniversaire de la Société des gens de lettres, paraîtront demain matin lundi au Journal officiel. Nous avons déjà publié les noms de la plupart des nouveaux décorés.
Paul Roche
Le Gaulois Dimanche 6 juillet 1913 www.Gallica.bnf.fr