Histoire de plats
Huîtres Rockefeller, 4 pièces creuses spéciales n°3
A la fin des années 1890, alors qu’on lui servait des huîtres farcies cuites au four, un client du restaurant Antoine’s (Nouvelle Orléans, Etats-Unis) s’exclama : « Elles sont riches comme Rockefeller ! ». C’est à cette époque que John D. Rockefeller créa la Standard Oil, qui fit de lui l’homme le plus riche des Etats Unis. Ce mot d’esprit fit la fortune de cette huître farcie. Mais quelle était la garniture ? Une sauce verte couverte de chapelure, ou bien une béchamel mêlée d’épinards, passée au four ? Les successeurs du fondateur de ce restaurant, créé en 1840 par le marseillais Antoine Alciatore, n’ont jamais révélé leur secret. Ce plat, mis au point par Jules Alciatore est à la carte d’Antoine’s depuis 1899 ! Certains ont cru y déceler la présence de persil, de câpres et d’huile d’olive. Voire de pastis… Bref le mystère reste entier. L’interprétation de Fabienne Eymard, la chef du Restaurant Benoit, consiste à réaliser un beurre avec du vert de blette, de l’échalote et du fenouil en fine brunoise. Elle garnit chaque huître avant de la laisser prendre couleur 3 à 4 minutes sous la salamandre.
Bœuf Wellington,
En cette année du bicentenaire de Waterloo, le Bœuf Wellington pourrait passer pour un hommage magnanime à Arthur Wellesley, premier duc de Wellington, le vainqueur de Napoléon, qui raffolait, dit-on, de filet de bœuf, truffe noire, champignons de Madère, cuit en croûte. Mais l’origine du nom de cette recette n’est pas attestée. Certains auteurs pensent qu’il ne s’agissait que d’angliciser tardivement le nom du filet de bœuf en croûte très en vogue sous l’Empire des deux côtés de la Manche. D’autres penchent pour une allusion aux bottes de caoutchouc que portait habituellement le duc. Quoiqu’il en soit, Fabienne Eymard réalise une variante du bœuf Wellington destinée à séduire les gourmets des deux côtés du Channel en couvrant le filet de bœuf d’une duxelles de champignons, de foie gras, puis d’une pâte brisée croquante et savoureuse.
Charlotte aux poires, sauce chocolat de notre Manufacture à Paris
La charlotte tient-elle son nom de l'épouse du roi Georges III d'Angleterre, Charlotte de Mecklembourg-Strelitz qui lui donna quinze enfants ? Les historiens sont perplexes. Il s'agissait à l'origine d'un dessert à base de pain de mie et de compote de pommes, lorsque Antonin Carême - d'abord au service du Prince-Régent, devenu chef du tsar Alexandre 1er - s'avisa de créer la charlotte aux biscuits, qu'il baptisa Charlotte à la parisienne, qui devint ensuite Charlotte à la Russe. Il choisit alors de masquer le fond et les bords du moule par des biscuits à la cuillère et de garnir l'intérieur d'un appareil à Bavarois composé de crème anglaise de gélatine et de crème fouettée. Chez Benoit, les charlottes s’allègent avec deux recettes de printemps. En mars et avril, la Charlotte aux poires, crème chantilly, poires pochées, avec une sauce au chocolat de notre Manufacture à Paris. En mai, la Charlotte vanille-fraise avec une crème de mascarpone, vanille, confit de fraise et fraises Mara des Bois.
http://www.benoit-paris.com/fr/le-restaurant/histoire-restaurant-paris
La pêche Melba
Londres, 1894. Dans le hall de l'hôtel Savoy, Nelly Melba et Auguste Escoffier discutent.
Nelly Melba, la cantatrice australienne de 33 ans, se produit régulièrement à Covent Garden. Nelly Melba, de son vrai nom Helen Porter Mitchell est au sommet de sa gloire. Melba et le renommé cuisinier du Savoy, Auguste Escoffier, ont certes déjà eu de nombreuses occasions d'échanger sur l'art, la gastronomie ou l'opéra, mais en ce début de soirée, après une discussion passionnée à propos du personnage de Marguerite, du Faust joué par la cantatrice, celle-ci offre au cuisinier deux fauteuils pour assister au Lohengrin de Richard Wagner. Opéra dans lequel apparaît un cygne.
Dès le lendemain, Escoffier crée un dessert et lui offre pour la remercier. Il n'appelle pas immédiatement son entremets "Pêche Melba". Inspiré par le cygne qu'il a vu à l'opéra, le cuisinier fait tailler dans le bloc de glace un superbe cygne. Entre les deux ailes, il place une timbale en argent couverte de glace à la vanille. Sur ce lit de crème glacée, il installe délicatement des pêches à chair blanche et tendre, au préalable pochées dans un sirop à la vanille. Un coulis de framboises fraîches couvre enfin les fruits, le tout complété d'un léger voile de sucre. Le nouveau dessert, qu'Escoffier baptise "Pêche au cygne", est né.
Et ce n'est qu'en 1899, lorsque César Ritz confiera les cuisines du Carlton de Londres à Escoffier que l’entremets sera renommé "Pêche Melba".
Le Homard à l'américaine
Y-a-t-il un débat, et quel débat ? Le homard est-il à l’américaine ? Assurément, comme l’indique un certain monsieur Gartigue dans une lettre à Curnonsky, prince élu des gastronomes. Donc exit l’appellation à l’armoricaine.
Voici la petite, et vraie histoire de ce fameux homard à l’américaine. - « Je crois pouvoir vous indiquer le nom exact de l’inventeur. Comme vous le dites fort bien, le homard à l’américaine a été créé en France et, naturellement, par un Français : Peters, né à Sète et de son vrai nom : Fraisse. J’ai connu Peters vers 1900, alors qu’âgé de 78 à 80 ans, il vivait modestement avec sa femme, rue Germain-Pilon (NDLR - A Paris, dans le 18ème).
Un soir qu’il était en humeur de confidence, il me parla de ce fameux homard. De retour d’Amérique où il avait fait, comme chef, un séjour à Chicago, il fonda en rentrant à Paris le restaurant Peters (c’était si je m’en souviens bien un peu avant 1860). Or, un certain soir que le dîner était fini depuis longtemps, huit ou dix convives survinrent presque au moment de la fermeture et insistèrent pour que Peters leur servît à dîner, en prétextant qu’ils n’en avaient que pour une heure. Peters, qui était la bonté même, consentit à se remettre à ses fourneaux, non sans se demander sans quelque inquiétude, ce qu’il allait pouvoir leur servir.
Pendant qu’ils mangent le potage et les hors-d’œuvre, se dit-il, j’ai le temps de préparer un plat de poisson ! Mais de poisson, point. Il ne restait que des homards vivants, réservés pour le lendemain matin… mais il ne restait plus le temps de les faire cuire au court-bouillon. C’est alors que Peters, sous le coup de l’inspiration, jeta dans une casserole du beurre, des tomates, de l’ail pilé, de l’échalote… puis du vin blanc, un peu d’huile, enfin une bonne dose de cognac – ce qui ne coûtait pas alors 1.400 ou 1.500 francs le litre.
Quand tout fut arrivé à l’ébullition, Peters se dit : - Il n’y a qu’un moyen pour que le homard cuise vite c’est de le découper en morceaux et de les jeter dans la sauce ! Ainsi fit-il et le résultat fut merveilleux. Les convives enthousiasmés, demandèrent au grand traiteur quel était ce plat exquis et comment il se nommait. Et Peters, encore sous l’influence de son récent séjour en Amérique, tout à trac : homard à l’américaine.
Je tiens la recette de Peters lui-même et c’est celle que j’emploie toujours. Quant à l’histoire de la création du fameux plat, je la tiens pour parfaitement authentique, Peters étant la franchise, l'honnêteté et la bonté même.
Bon appétit et large soif !
1835. La véritable histoire du baba au rhum
A l’origine, le “baba” est un gâteau polonais aussi bien que russe.
Le mot “baba” n’a rien à voir avec Ali Baba. Il signifie “vieille femme”.
Au XVIe siècle (et peut-être avant), le baba est un grand gâteau cylindrique, fait avec une pâte levée garnie de fruits secs et aromatisée au safran.
Le roi Stanislas Leszczynski introduit en France, à la Cour de Lunéville, au XVIIIe siècle, ce gâteau russo-polonais et Diderot évoque le “baba” dans une lettre à Sophie Volland en 1767.
Le mot fait ainsi son apparition dans la langue française.
En 1806, le gastronome Grimod de La Reynière écrit, dans son “Almanach des gourmands” , à propos des raisins de Corinthe: “On en fait surtout beaucoup d’usage dans les babas, espèces de biscuit de Savoie au safran, que le roi de Pologne, Stanislas 1er, a fait connaître en France et dont les meilleurs se fabriquent à Paris, chez M. Rouget, pâtissier célèbre.”
Il n’est pas encore question de rhum.
En 1811, l’auteur du “Manuel de la cuisine” publié à Metz indique à l’article “baba” qu’il s’agit d’un “gâteau à l’allemande” ou Kaisel-Koucke, une pâte levée, riche en beurre et en oeufs, aromatisée d’un peu d’eau de fleurs d’oranger, contenant des raisins de Corinthe et cuite dans un moule.
Ce gâteau (sans safran) est servi sec.
Le grand cuisinier Carême l’évoque dans son “Pâtissier Royal” sous le nom de “baba polonais”.
Courchamps, en 1839, en donne une recette avec raisins de Corinthe, raisins muscats de Malaga, cédrat confit, angélique confite, safran. Pour trois livres de farine, il met 22 oeufs et deux livres de beurre.
Cela ne peut être que bon...
Et il ajoute: “Il paraît, quant à l’origine de ces gâteaux, que c’est véritablement le roi Stanislas, beau-père de Louis XV, qui les a fait connaître en France. Chez les augustes descendants de ce bon roi, on fait toujours accompagner le service des babas par celui d’une saucière où l’on tient mélangé du vin de Malaga sucré avec une sixième partie d’eau distillée de tanaisie.”
Mais c’est en 1835 que le pâtissier parisien Stohrer, descendant du chef-pâtissier polonais du roi Stanislas, imagine d’arroser les babas sitôt démoulés avec du rhum.
Vers 1844, d’autres pâtissiers très connus à Paris, les frères Julien, s’inspirent du baba et créent le savarin.
Celui-ci est cuit dans un moule circulaire. il ne contient pas de raisins. Mais il est trempé dans un sirop fortement aromatisé au kirsch, à l’absinthe et à l’eau de rose.
Et c’est un autre détail génial!
L’utilisation du sirop de sucre parfumé est une véritable innovation.
Le baba, d’abord trempé de rhum pur, en 1835, puis de sirop aromatisé au rhum, quelques années plus tard, fera le tour du monde.
Jacques Kother
Le Petit Journal - 16/11/2004 - Le Guide des Connaisseurs
http://www.leguidedesconnaisseurs.be/article271.html
Canetons de Duclair rôtis Rouennaise Le canard à la rouennaise (ou canard au sang)
Une légende raconte que cette race de canard, parfois surnommé « l’avocat » à cause de sa livrée, est le résultat d’ébats réguliers entre de jeunes canes des basses-cours et de vigoureux canards sauvages derrière les hautes falaises de craie blanche, à Duclair !
Le canard au sang (dit également caneton au sang, canard à la presse, canard pressé, caneton à la presse ou encore canard à la rouennaise ou caneton à la rouennaise) est un plat traditionnel français. Spécialité culinaire de Rouen, sa recette est attribuée à un aubergiste de Duclair, appelé le Père Denise1, qui se servait du canard de Duclair.
Le plat est composé de diverses parties d'un canard, servi avec une sauce constituée de son sang et de sa moelle osseuse, extraits au moyen d'une presse, dite « à canard ». Le canard au sang est parfois considéré comme « le summum de l'élégance2 ».
Ce plat est également devenu une spécialité du restaurant La Tour d'Argent, à Paris, où la recette du « caneton Tour d'Argent » a été codifiée au xixe siècle3.
Il existe par ailleurs à Rouen un « ordre des Canardiers », créé en 1986 et destiné à maintenir la tradition du canard au sang. Il réunit des professionnels servant du canard à la rouennaise dans leurs établissements (dits « Maîtres Canardiers ») et des gastronomes amateurs de ce plat (dits « gentilshommes ou dames Canardiers »). Le maire de Rouen est de droit membre de cette association, avec le titre de « Grand Canardier d’honneur1 ».
https://fr.wikipedia.org/wiki/Canard_au_sang
Le pâté de Foie gras
La Vielleuse
En l'année 1788, cet établissement populaire fut pris par un nommé Close, qui espérait le mettre au niveau de ses concurrents en y débitant un mets tout à fait nouveau dont il était l'inventeur, et que Paris ne connaissait pas encore. Close, en effet, avait créé les pâtés de foie gras pendant qu'il était maître d'hôtel du maréchal de Contades, à Strasbourg. Quand le maréchal de Stainville eut remplacé M. de Contades, le maître d'hôtel continua à servir ses fameux pâtés, mais personne n'y fit attention ce qui blessa si profondément le cuisinier, qu'il rendit son tablier, déserta la maison du maréchal et alla vendre ses pâtés dans une boutique de la rue Mésange. Les Strasbourgeois leur firent un accueil enthousiaste, si bien que Close réalisa une petite fortune en moins de deux années. C'est alors que, devenu ambitieux, il quitta Strasbourg pour Paris, et ne fit qu'unsaut de la rue Mésange à la Courtille, où il ne tarda pas à acheter la Vielleuse. Mais cet établissement de bas-étage était peu propre au débit d'un tel mets. Close le vendit à perte et alla s'installer dans une boutique du boulevard du Temple, où la vente des pâtés obtint un plus grand succès. Cependant l'enthousiasme n'y était pas encore. Il faut du temps en France pour faire adopter une nouveauté. En 1798, M. Doyen de Bordeaux, perfectionna ces pâté en y ajoutant des truffes, et alors tout le monde voulut en manger. Ce fut un entrain général, mais dont Close ne profita peu. Il avait la gloire de l'invention. N'était-ce pas suffisant?.
(Le Courrier Français 08 avril 1888 Article: "Assommoirs, Bouges et Cabarets" Emmanuel Patrick)
Crêpes Suzette
Au Café de Paris, à Monte-Carlo, le prince de Galles, futur roi d’Angleterre, Édouard VII, déjeune avec une ravissante jeune fille française... Au moment du dessert, le maître d’hôtel apporta des crêpes. Une erreur de manipulation et la liqueur d'orange s'enflamma. Le cuisinier eut la présence d'esprit de présenter son dessert comme une nouvelle création. Le Prince le trouva délicieux et le maître d’hôtel qui venait 'd’inventer' la recette, proposa opportunément de lui donner le nom du futur roi. Celui-ci refusa, mais courtoisement proposa le prénom de la jeune française, Suzette… Plaisanterie ou réalité ? À moins que Mr Escoffier n'eut dédié sa crêpe à Suzette, Suzanne Reichenberg, reine des ingénues au théâtre entre 1870 et 1900 et qui devint baronne de Bourgoing. Finalement pas si ingénue que cela...
Publié le 2 février 2020 par Cornello