Déjeuner du 06 novembre 1958
Hôtel de Matignon
13,2 cm x 19,4 cm
Filets de soles Joinville
Cuissot de chevreuil Nemrod
Soufflé au Grand Marnier
Corbeille de fruits
Le 6 novembre 1958
À peine vient-il de prendre ses fonctions de président du Conseil que de Gaulle décide d’honorer de manière particulière l’ancien Premier ministre britannique, Winston Churchill, en lui décernant une des plus prestigieuses décorations françaises, la Croix de l’Ordre de la Libération créé en novembre 1940. Outre 18 unités et 5 communes, il l’avait octroyée à 1 036 compagnons lorsqu’en janvier 1946 il signa le décret de forclusion de l’Ordre.
C’est donc de façon très exceptionnelle qu’il opère cette attribution unique. Le 18 juin 1958 – la date n’a évidemment pas été choisie au hasard – un décret signé de René Coty président de la République et de Charles de Gaulle décerne la Croix de la Libération à Sir Winston Churchill.
La citation rédigée par le Général lui-même justifie cette décision : « Comme Premier Ministre de Grande-Bretagne, au moment du pire danger couru par l’Europe, a inspiré et dirigé la résistance de son pays et contribué, par-là, d’une manière décisive à sauver la liberté du monde.
A fait confiance à la France quand c’était le plus difficile en lui prêtant le concours moral et matériel de l’Angleterre, son alliée. A ainsi contribué directement à la libération et à sa victoire. Restera, dans l’Histoire, illustre, au premier chef. »
C’est le général de Gaulle, Grand-Maître de l’Ordre, qui lui remit cette distinction, lors d’une cérémonie solennelle qui se déroula à l’hôtel Matignon le 6 novembre 1958.
À 12h30, la voiture de Sir Winston et Lady Churchill pénétra dans le parc par l’entrée de la rue de Babylone pour s’immobiliser devant le perron où l’attendait le chef du gouvernement en tenue militaire. Deux cents compagnons de la Libération étaient massés sur le perron, aux côtés de personnalités prestigieuses invitées : des ministres, des autorités militaires comme le maréchal Juin, les généraux Ely, Zeller et Jouhaud, mais également, l’amiral Thierry d’Argenlieu, venu de son monastère d’Avon, les généraux Catroux et Koenig, René Cassin et Georges Bidault, les maréchales de Lattre de Tassigny et Leclerc.
Sur la pelouse du parc étaient disposés des détachements des trois armes, accompagnés d’une musique. La presse, nombreuse, bénéficiait d’un espace sur la partie orientale du perron.
De Gaulle et Churchill saluèrent le drapeau, écoutèrent les hymnes nationaux puis, très lentement, en raison de la difficulté à marcher de l’ancien Premier ministre proche de 84 ans, passèrent en revue les troupes. Ce fut alors le cœur de la cérémonie. En présence du drapeau, de membres du Conseil de l’Ordre dont le Grand Chancelier, le général Ingold, de Gaulle et Churchill se placèrent face à face. Le Général prononça la formule consacrée : « « Nous vous reconnaissons comme notre compagnon pour la libération de la France dans l’honneur et par la victoire ». Puis il épingla la médaille sur le manteau du récipiendaire. Serrement de mains et accolade terminèrent le moment rituel de la cérémonie.
L’étape suivante eut lieu dans le Salon jaune. Le Général et Churchill prirent place sur un canapé devant la tapisserie des Gobelins et quelques personnalités leur furent présentées. Le Grand Chancelier remit à Churchill une croix de Lorraine en cristal offerte par l’Ordre de la Libération. Puis, ce furent les allocutions. Churchill parla le premier : « Je suis particulièrement heureux que ce soit mon vieil ami et mon camarade, le Général de Gaulle qui me rende aujourd’hui cet honneur. Il représentera toujours le symbole et l’âme de la France, de son indomptable intégrité et de sa volonté dans l’adversité. »
En réponse, De Gaulle prononça ces mots : « La cérémonie d’aujourd’hui signifie simplement que la France sait ce qu’elle doit à Sir Winston Churchill. Je tiens à ce qu’il sache ceci : celui qui vient d’avoir l’honneur de le décorer l’estime et l’admire plus que jamais. »
Un déjeuner se déroula ensuite au premier étage de l’hôtel de Matignon, rassemblant une vingtaine de convives autour des couples de Gaulle et Churchill.
Dans l’après-midi, le récipiendaire fut reçu à l’Élysée par le président Coty.
David Bellamy Histoire
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